La vie à défendre

Mario KartJe vous propose à travers ce dossier du mois, de revenir sur la notion de temps de trajets. Quelque soit votre fonction au sein de notre société, vous avez sûrement entendu un jour ou l'autre votre manager vous affirmer droit dans les yeux et la voix tremblante que les trajets domicile / travail ne sont pas considérés comme du temps de travail. Qu'en est-il vraiment ? 

  


Introduction

Afin de déterminer si votre manager a raison, il vous faut en priorité déterminer si le trajet que vous effectuez chaque jour permet de vous rendre sur votre lieu habituel de travail, ou non. Le lieu habituel de travail est un élément clef du contrat de travail puisque c'est sur ce concept que la convention SYNTEC s'appuie pour la prise en compte des frais de déplacement.
Pourtant, ce lieu "habituel" n'est pas clairement défini dans la convention.

Lieu habituel de travail

Juridiquement, le lieu de travail est le lieu où le salarié exécute habituellement sa prestation de travail (cas des travailleurs sédentaires). Pour l'INSEE, le lieu de travail est la zone géographique où une personne exerce son activité professionnelle. Cette zone géographique peut détailler les zonages administratifs standards ou décrire les territoires en géographie urbaine (rural/urbain). Certaines personnes exerçant des professions bien déterminées telles que « chauffeur-routier », « chauffeur de taxi », « VRP », « commerçant ambulant » ou « marin pêcheur » les amenant à se déplacer plus ou moins fréquemment pour leur travail sont, par convention, considérées comme travaillant dans leur commune de résidence.
Dans le cas d'un contrat de chantier, le lieu de travail est défini par le chantier à réaliser. Le lieu habituel de travail est le lieu du chantier.
Si vous entrez dans un de ces cas, alors votre manager a raison. Le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas du temps de travail effectif . De ce fait, il n'a pas à être rémunéré comme tel.

Lieu inhabituel de travail

Au regard du droit communautaire, la durée du trajet des salariés itinérants, compris entre leur domicile et les sites de leur premier et leur dernier client constitue du « temps de travail ». 
Cela signifie que ces temps doivent être pris en compte pour apprécier si les repos minimum et la durée maximale hebdomadaire du travail imposés par le Droit de l'Union sont bien respectés. Cette décision s'inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation relative aux heures d'équivalence (CJCE, 1er décembre 2005, affaire C-14/04 ; CE, 28 avril 2006, pourvoi n°242727, pourvoi n°243359 et n°243385 ; Cassation sociale du 26 mars 2008, pourvoi n° 06-45.469).
Ainsi, les salariés itinérants ne peuvent pas, temps de trajet inclus, effectuer plus de 48 heures par semaine, auquel cas l'entreprise encourt une condamnation pénale. En revanche, ces temps de trajet quand bien même sont comptabilisés comme temps de travail, ne sont pas nécessairement rémunérés comme du temps de travail, y compris en cas de dépassement de la durée maximale (CJUE, 10 septembre 2015, affaire C-266/14).
Dans ce cas, votre manager à tord. Le temps de trajet entre votre domicile et votre premier client est bien du temps de travail. Chez Computacenter, sa rémunération est définie à ce jour dans notre accord ARTT, par le tableau des temps de trajet / temps de travail.

Les autres cas

Si la détermination de la notion de temps de trajet ne semble pas trop difficile à déterminer quand il s'agit du lieu de travail habituel ou inhabituel d'un salarié, qu'en est-il des salariés qui sont infogérance ?
La Cour de Cassation, à travers plusieurs jurisprudences constantes (C.C, 30 juin 1999, n°97-40889 - C.C, 15 mai 2013, n°11-28.749) ne reconnait pas comme lieu habituel de travail, les locaux du client. A ce titre, il faut déterminer quel est le lieu habituel de travail (domicile ou agence de rattachement par exemple) lorsque le salarié n'est pas en mission. (Cour de Cassation, 25 avril 2006, n°05-42904).
Si le temps de trajet entre le domicile et le lieu d’exécution de la mission est supérieur au temps de trajet entre le domicile et l'agence de rattachement, alors il doit y avoir compensation financière ou récupération en temps de repos. (Cour de cassation, 4 décembre 2013, n°12-20.155, Code du travail, Article L.3121-4). Ainsi, un salarié rattaché à l'agence de Villeurbanne, habitant à Rillieux-la-Pape, et missionné par l'entreprise à Clermont-Ferrand doit voir son temps de trajet compensé. 
Dans ce cas, votre manager a à la fois tort et raison. Tout dépend de votre lieu de mission. Bien que non prévu dans notre accord ARTT, le tableau des temps de trajet /temps de travail peut s'appliquer.