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Le harcèlement moral au travail.Le harcèlement moral, en portant atteinte à la dignité de la personne, a des effets dévastateurs sur la santé. Pourtant il a connu une forte croissance mondiale ces dernières années. Un mécanisme universel qu'il convient d'identifier et d'enrayer






Le harcèlement moral, c'est quoi ?

Le harcèlement moral désigne une pratique abusive extrêmement violente. Il se caractérise par des agissements hostiles du type : 

  • mise à l'écart ;
  • refus de communiquer avec le salarié (exemple : absences d'échanges verbaux, de salutations le matin et le soir, etc.) ;
  • atteintes à ses conditions de travail (exemple : contrôle des pauses, de l'activité du salarié, suppression de tâches ou d'outils pour les réaliser, etc.) ;
  • atteintes à sa personne et donc à sa dignité ;
  • et enfin intimidations (qui peuvent gagner en violences si elles ne sont pas stoppées).

C'est la répétition de ces agissements sur une certaine durée (qui n'est pas définie) qui fonde la dénomination de "harcèlement moral". en effet, chacune de ces pratiques n'est pas destructrice en soit. Mais leur cumul l'est en revanche.

Quelle est son origine ?

La profonde mutation du monde du travail a favorisé la montée en puissance de ce phénomène. Un travail segmenté, qui perd son "sens", voire se déshumanise, la pression induite par l'obligation de production / performance ont été des facteurs de développement  du harcèlement moral. Mais pour que celui-ci ait effectivement lieu, il faut ajouter à ces déterminants organisationnels un "déclencheur", à savoir un changement. Ce changement peut être lié à la personne (retour de congé maternité, de formation...), comme à l'entreprise (changement de logiciel, nouveau mode de management...).

 

Un autre type de harcèlement a émergé, volontaire et systématisé, qu'on a qualifié de "managérial". Il résulte de la décision, qui peut suivre un audit par exemple, de "dégraisser" ou fermer un site, de se séparer de salariés "seniors"... Le but est de pousser ces personnes à la démission, plutôt de de les licencier.

Qui harcèle-t'on ?

On ne le répétera jamais assez : le harcèlement moral vise à attaquer une personne via son travail. Ce n'est pas donc pas le travail accompli qui est en question, pas plus que la compétence du salarié. Ce sont souvent les salariés investis et compétents qui sont les victimes de tels agissements. Le trait distinctif de la personne harcelée est que, globalement, elle "dérange " :

  • parce qu'elle est par exemple très investie et scrupuleuse, alors que la direction lui demande de produire vite, voire de "bâcler" ;
  • ou qu'elle est sujette à des conflits dits "éthiques" (de conscience professionnelle) à cause d'une distorsion entre ce qu'on lui demande de faire et les attentes des clients;
  • ou encore parce qu'elle ne rentre pas dans le "moule" de la culture d'entreprise, notamment par le savoir-faire et l'autonomie acquis au cours des années précédentes.

Une personnalité plus indépendante peut effaroucher un management soucieux d'instiller une culture d'entreprise forte ; et enfin parce que cette personne éprouve des difficultés ponctuelles et qu'elle se trouve donc plus vulnérable.

Quels sont les dangers du harcèlement ?

Ôter au salarié sa dignité et son estime de soi, c'est infliger une souffrance indicible, dont on ne peut anticiper les effets sur sa sante :

  • troubles psychologiques,
  • perte d'intelligence émotionnel ou alexithymie 1
  • développement d'addictions,
  • pathologies cardiovasculaires... .

Comme le souligne la psychiatre Marie-France Hirigoyen, sollicitée pour de nombreux cas de harcèlement, la dangerosité provient non du choc d'une agression, mais de la répétition infinie de "micro-traumatismes". Par ailleurs, souligne-t'elle, même quand le harcèlement est stoppé, la souffrance ne l'est pas pour autant, à cause du phénomène de "rumination", de ressassement auquel se rajoute souvent la honte : "j'aurais pu..., j'aurais dû...". Ce qui, bien sûr, épuise encore d'avantage la personne. Les relations familiales peuvent se dégrader - c'est l'image du parent, renvoyé à quelqu'un de faible, qui est en jeu auprès des enfants. Idem pour le cercle de ses proches. A ce stade, le danger est de passer de l'isolement professionnel à l'isolement social.

Qui sont les harceleurs ?

Sans stigmatiser quiconque, plusieurs profils ont été établis, à travers lesquels on s'aperçoit que la personnalité de harceleur n'est pas forcément pathogène. Et de l'acte de harcèlement n'est pas toujours conscient et volontaire. Ainsi, les principaux motifs de harcèlement sont :

  • d'une pat la peur et la fragilisation soit-même subie (état proche du burn-out dû à la pression rencontrée et menant à des dérapages en terme de management);
  • d'autre part, un manque d'intelligence émotionnelle, encore appelée alexithymie, qui est une pathologie ;
  • ou la passivité face qu phénomène de groupe ;
  • ou encore la jalousie, l'envie, l'ambition ;
  • et enfin l'obéissance aux consignes hiérarchiques quand il s'agit d'une manœuvre de "dégraissage" interne.

Comment y mettre un terme ?

Il est fondamental de le repérer de façon précoce pour la santé de tous, et aussi parce qu'une pratique de harcèlement moral ne cesse jamais d'elle-même, mais gagne en puissance. Il faut réussir à l'identifier, car le salarié qui le subit n'en est fréquemment pas conscient. Il tente néanmoins de rationaliser ce qu'il vit ("Ce ne sont que de petites choses, je deviens parano, ça va se calmer."), pense qu'il s'agit souvent de malentendus provenant de son travail, d'ou son acharnement à vouloir améliorer celui-ci et le justifier constamment. Une fois identifié, il est impératif de le stopper. Des sanctions existent dans le code pénal 2. Si vous identifiez un harcèlement à l'encontre de votre collègue (ou de vous-même), adressez-vous à un délégué syndical ou à un représentant du personnel. Ce dernier dispose d'un droit d'alerte en la matière auprès de l'employeur, qui, responsable de la protection de la santé de ses salariés, et tenu d'intervenir. Le représentant du personnel peut assister la victime dans ses démarches (auprès de la médecine du travail, voire de l'inspection du travail ou de la justice). Il est bon de savoir que les personnes qui dénoncent ou qui combattent le harcèlement moral bénéficient de mesures de protection et ne peuvent pas être sanctionnées pour ce motif (à part, évidemment, en cas de fausses accusations).

Comment le prévenir ?

Même stoppé, le harcèlement laisse de lourde séquelles sur une organisation. Sauf dans des cas ou le harceleur a été condamné, puis muté ou licencié (et encore), les victimes usent peu de leur droit de réintégrer leur poste. C'est en amont de ces situations délétères qu'il convient d'agir. Pour rappel, si les dirigeants d'une entreprise sont sanctionnés en cas de non-réaction à un harcèlement signalé, ils le sont également s'ils ne se sont pas donné les moyens de prévenir ce type de situation. Les représentant du personnel peuvent aussi organiser des actions préventives : formation, diffusion de la liste des techniques de management pathogène (disponible sur le site souffrance-et-travail.com)... . enfin, il est fondamental de ne pas déresponsabiliser les personnes, même en cas d'organisation du travail "dysfonctionnelle". Parler, reste le meilleur moyen de le contrer.

Article de Maud Vaillant.
Magazine "La vie à défendre" n° 205.

1. Difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions, pouvant être d'origine psychosomatique.
2. Dans le code du travail, le législateur ne subordonne pas la qualification de harcèlement à "l'intention de nuire". En pénal, c'est plus complexe, la notion de délit étant lié à celle de "l'intentionnalité".